Rangez !

Une cuisine KALLARP à poser, un plan de travail EKBACKEN à découper, des BILLY à monter et des cartons à vider. Et les beaux-parents à la rescousse. Lui, équipé de sa caisse à outils et de sa perceuse et elle, débordante de son amour maternel. Ce n’était pas tout à fait ainsi que j’imaginais mon installation dans ma vie de couple mais pour lui, ces quatre jours « bricolo » avec son père étaient « non négociable ». J’ai cédé. J’avoue : leur duo était assez efficace. Le beau-père en chef de chantier et le fils en ouvrier de luxe, ça fonctionnait plutôt bien. Mais il serait sans doute plus juste de parler de trio, car le rôle de ma belle-mère était apparemment fondamental : chérie, il me faut le tournevis cruciforme, chérie, tu peux me passer la porte gauche du meuble haut, chérie, tu peux déballer les rails des tiroirs… Une parfaite assistante de magicien. Et cette admiration sans borne pour « ses deux hommes ». Une admiration toute réciproque si l’on en juge par le regard si plein d’amour qu’ils lui portent. Pour moi, il ne s’agit pas tant de jalousie que de solitude. J’aurais apprécié un peu d’aide pour vider les cartons, installer le reste de l’appartement, ou même faire les courses et préparer les repas pour tout le monde. Mais non. Elle était à leur entière disposition et moi, je n’existais pas. Pour personne. Je l’aurais bien étouffée sous un oreiller SKÖLBLAD si je n’avais pas eu cinquante cartons à vider. Et par-dessus cette ambiance déjà festive, l’annonce du confinement. Sur le coup, je n’ai pas vraiment réalisé tout ce que cela pouvait entraîner. Le choc fut trop grand. Mais la sidération a cédé sa place au désenchantement quand j’ai compris : ils ne pouvaient pas repartir. Coincés chez nous pour toute la durée du confinement. Dans notre joli petit nid d’amour en cours d’installation. Déjà, depuis leur arrivée, j’avais l’impression de disparaître progressivement. Ce confinement « en famille » ne donnait aucune information quant à la date de mon éventuelle réapparition.

— Eh bien, mes enfants, on dirait que nous allons passer un bout de temps ensemble.
— Ça va nous donner l’occasion de mieux nous connaître, n’est-ce pas ?
Et moi, je vais pouvoir vous révéler les recettes des plats préférés de mon fiston et vous expliquer comment il faut repasser ses chemises.
— …
— D’ailleurs, je vais dresser la liste des courses pour la prochaine semaine, ainsi nous pourrons éviter de sortir. Vous auriez une feuille et un stylo ?

J’étais à bout, avant même le début du confinement. Où sont rangés mes couteaux de cuisine ÄNDLING, déjà ? Dans quel carton ?
Deux semaines plus tard, je ne me souvenais plus pourquoi j’étais tombée amoureuse de lui. Alors, quand Emma m’a demandé ce que je voulais faire lorsque le confinement prendrait fin, cela m’est apparu très clairement : je les quitte. Lui et sa mère.

Laisser un commentaire